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Sophie Daguzé, et la maîtrise d’ouvrage privée

Dernière mise à jour : 24 févr. 2021

Diplômée du Master en 2016, Sophie Daguzé est responsable de programmes chez Eiffage Aménagement depuis bientôt 5 ans.



Magistram : Pourriez-vous décrire votre parcours universitaire ? Quels étaient les thèmes qui vous intéressaient lors de votre formation ?


Sophie Daguzé : Avant d'arriver en Licence 3 d’Aménagement à la fac, j'avais fait une prépa littéraire. Donc quand je suis arrivée en urbanisme, c'était certes un choix, mais c'était vraiment un nouveau secteur. On a eu beaucoup de cours théoriques qui m'ont beaucoup intéressée, histoire de l'architecture par exemple. En revanche, c'est vrai qu'à partir du M2, on commence à avoir des intervenants professionnels dans différents domaines, quels qu'ils soient. On a beaucoup de cours à Paris 1 qui sont plutôt centrés sur le côté aménagement public et finalement, assez peu sur l'urbanisme opérationnel privé, qui est mon métier maintenant.


Quand j'étais à Paris 1, en M2, ce qui m'a le plus intéressée d'abord, c'étaient les cours un peu plus concrets. On avait eu un atelier où on était allés visiter la ZAC Des Tartres, ou encore des rendus ciblés sur le logement social avec Sylvie Fol. J'ai apprécié ces cours-là. Ce qui m'intéressait, c'était ce côté terrain, je dirais. Ça m'intéresse un peu plus d'être proche du site.


Magistram : Comment s’est déroulé le passage de la fin d'études à votre premier emploi ?


SD : Hyper simplement ! On avait un cours sur l'immobilier, la promotion et les aménageurs privés. Mais sans ça, vraiment, aucun de nos cours ne traitait de l’aménagement privé ou de la promotion. Donc on partait avec des à priori, mais le prof a été génial, il nous a ouvert les yeux sur plein de sujets d’immobilier et d’aménagement. On avait dû réaliser un bilan de promotion, analyser une opération immobilière existante et surtout, il avait organisé une visite d'une ZAC à Joinville qui était une ZAC Eiffage Aménagement. C'était notre directeur Eiffage Aménagement qui organisait la visite. Il nous avait présenté la structure Eiffage et ça m'avait tout de suite plu. On sentait que ça l'intéressait vraiment de présenter ça à des étudiants, et ça donnait envie de faire son métier. Et voir la passion chez les gens, c'est toujours rassurant. Et ensuite, ce qui m'a beaucoup plu, c'est que quand il a présenté le projet, on voyait toute la diversité des sujets. On voyait qu'il y avait eu des années de négociations avec les petits commerces pour maintenir une vie de quartier, que toutes les études de sites et de sols avaient été réalisées très en amont, qu'ils avaient travaillé avec le Maire pour qu'il y ait une œuvre d'art sur le parvis, qu'ils avaient voulu imbriquer un gymnase dans un bâtiment de logements, donc qu'il y avait eu des tergiversations... Et d'un coup, c'était tellement vaste, on voyait que ça touchait à tous les domaines et c'est ce côté curiosité, et diversité de tous les sujets dans une seule opération, qui m'a plu.


J'avais candidaté pour un stage, qui s'est très bien passé et à la fin des six mois, ils avaient besoin de personnes pour renforcer l'équipe. À l'époque, je pense qu'on était encore seulement 16 ou 15 personnes. Maintenant, on est 40. En quatre ans, on a doublé de volume. La directrice m'a proposé de continuer les projets sur lesquels je travaillais, mais en CDI et j’ai dit oui tout de suite !


Magistram : Pouvez-vous expliquer le rôle d’Eiffage Aménagement ?


SD : Si on remonte dans Eiffage, il y a toutes sortes de domaines d’activités (rail, portuaire, énergie, télépéage, aéroports). C'est très, très vaste, donc j'avais du mal à mettre réellement un sens sur ce qu'ils pouvaient faire en matière d’aménagement. Eiffage Aménagement fait partie de la branche Eiffage Construction, c'est-à-dire ceux qui construisent les bâtiments. Dans la branche Eiffage Construction, il y a aussi Eiffage Immobilier. On est une entité séparée d’Eiffage Immobilier, mais on travaille ensemble, et on travaille systématiquement avec Eiffage Construction, la maison-mère, c’est la synergie du Groupe.


Magistram : Quelles missions y exercez-vous ?


SD : Concrètement, quand tu candidates en aménagement privé, la première chose qu'on va te demander, c'est si vous voulez faire du développement ou de l'opérationnel. Le développement, moi, j'adore. Une ville a un terrain disponible, elle lance un concours, elle interroge des aménageurs en leur disant "Qu'est-ce que vous pensez pouvoir faire ici ?" . Et donc, toi, tu pars de zéro. Tu pars d'un terrain blanc, et tu te dis voilà, qu'est-ce qu'il y a autour, qu'est-ce ce qui marcherait, est-ce qu'il y a des transports ? Combien y aura-t-il d'habitants sur cet espace ? Combien je peux faire tenir de commerces, d'immeubles, de logements, est-ce qu'il faut du logement social, etc.


Donc tu as tous ces sujets-là, et tu racontes une histoire, c'est génial. Et l'opérationnel, c'est une fois qu'on a gagné un concours, on va le concrétiser, on réalise ce qu’on a promis au moment du concours. Juste après avoir gagné, il y a toute une partie administrative, donc on est chargés de signer les permis d'aménager ou de monter la ZAC (Zone d’Aménagement Concerté), on s’organise avec les collectivités, main dans la main. Il n'y a aucun antagonisme entre nous et la collectivité, on travaille pour la Ville.


Magistram : Quelles sont vos missions en montage opérationnel ?


SD : En montage opérationnel, tu lances d’abord toutes les études techniques (études de sol, étude pollution, étude géotechnique). Tu « testes » ton terrain avant de pouvoir y construire des bâtiments. Ensuite, tu fais dessiner avec l'ensemble des prestataires les plans des réseaux de ton site, parce qu'en tant qu’aménageurs, on est en charge de réaliser l'ensemble des réseaux, c'est-à-dire des routes, des trottoirs, l'ensemble des espaces publics, mais aussi de tous les VRD.


Donc tu vas travailler avec tous les concessionnaires, avec les télécoms, avec Véolia pour l'eau, avec Enedis pour l'électricité, etc. Ça a un côté très technique et ingénieur, mais même en ayant fait une prépa littéraire, moi, je m'en sors. Et ensuite, les terrains qu'on aura viabilisés, on est chargés de les vendre à des promoteurs (Eiffage Immobilier ou tout autre promoteur). Donc on gère aussi en parallèle l'ensemble d'un bilan d'aménagement. C'est toi, après, qui es garant de la bonne réalisation de tout le quartier et de la qualité des espaces publics. Donc, lors de la vente des terrains, on impose aux promoteurs un niveau de qualité architecturale, tous les labels environnementaux, la qualité paysagère... Et ce qui est génial dans ce métier, c'est la diversité de tous tes interlocuteurs, et tu es vraiment chef d'orchestre du quartier. Ce n’est pas toi qui dessines les plans, mais c'est toi qui veilles à ce que ce soit fait comme la commune le souhaite, et comme vous vous êtes engagés à le faire. Par contre, il y a ce côté frustrant du temps très long de l’aménagement : un projet de ZAC peut mettre cinq ans avant de voir un chantier lancé, et en tout, sept à dix ans pour être livré.


Magistram : Quels sont les liens avec la collectivité ?


SD : Pour les ZAC, en tant qu’aménageurs, on est généralement l'interlocuteur privilégié de la commune. Certaines collectivités te demandent d'avoir beaucoup d'ambition environnementale. Par exemple, ils veulent être éco-quartiers, ou obtenir des labels Energie Carbone. Et puis, il y a des projets où la collectivité est plutôt en attente, et c'est à toi d'aller proposer toutes ces ambitions-là.


Concernant le promoteur, un cahier des charges de cession de terrain régit l'ensemble de son opération. Il impose tous les labels, les aspects architecturaux associés aux fiches de lots. Et quand on signe une promesse de vente, les cahiers des charges de cession et les cahiers de prescriptions architecturales sont toujours annexés aux promesses.

Concernant les prix, nous, en tant qu'aménageur, on vend des charges foncières, c'est-à-dire des droits à construire pour le promoteur. Pour chaque lot, on a un prix de vente au mètre carré qui est négocié, sans jamais oublier qu’on travaille pour une ville, une collectivité, EPT ou autre, et que la ville a toujours un droit de regard sur nos bilans.


Magistram : Pourriez-vous décrire une semaine-type ?


SD : Je trouve qu'en développement, j'avais un peu moins de semaine-type. Tu rencontres tous les jours des nouvelles personnes et tu as des vrais rushs de concours, ça fonctionne un peu comme nos rendus à l'école et j'ai trouvé ça hyper motivant. À l'inverse, en opérationnel, au stade où j'en suis de montage de mon opération, oui, j'ai des semaines-type. Une semaine-type, c'est passer beaucoup de temps au téléphone avec tes prestataires : urbanistes, paysagistes, juristes, notaires…, et environ deux jours sur site. Une semaine sur deux, on a un comité technique où on voit la Ville et on fait un point avec eux sur ce qui a été réalisé et sur ce qui doit avancer. Ça rythme ton quotidien d'opérationnel, sans aucun doute, de voir très souvent la Collectivité et d’avancer ensemble.


Lorsqu’on suit un chantier, sur site, on a généralement une base vie, dans laquelle on fait toutes nos réunions. Tu as avec toi ton maître d'œuvre, c’est-à-dire la personne qui est chargée des espaces verts d'un côté et voiries et réseaux divers de l'autre. C'est la personne qui a dessiné tous les plans, qui veille à leur bonne réalisation. Tu vérifies avec eux que ce qui est en train de se passer sur site, c'est bien ce que la collectivité et l’aménageur ont prévu, c'est toi le garant des travaux. Donc voilà à quoi ressemble une réunion de chantier : c'est beaucoup de plans, de plannings et tu vérifies que ce qui a été fait est exécuté comme ça a été prévu par l'ensemble des prestataires.


Magistram : Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton métier ?


SD : Quand tu es responsable de programme, c'est un avantage et un inconvénient, tu es vraiment "couteau-suisse", c'est-à-dire qu'on t’attribue un projet, que ce soit en développement ou en opérationnel, et tu vas toucher à l'ensemble de ton projet. Tu vas gérer les aspects techniques, juridiques, la communication etc. On a ce côté "360 degrés" où ton projet, tu le connais par cœur, tu l'as conçu de A à Z et tu sais tout ce qui se passe dessus et autour.


En développement, c'est ça qui est génial, c'est que typiquement quand tu réponds à un concours, tu dois fournir jusqu'à cinq à dix notes différentes : une note sur la qualité architecturale de ton projet urbain, une note financière, une note de commercialisation, une note sur la démolition, comment tu l'envisages, etc. Ça m'a impressionnée quand je suis arrivée. Parce que même quand tu es stagiaire, tu travailles là-dessus et on te donne un rôle. C'est génial, tu écris le projet, c'est ce que j'ai préféré, ce lien avec ton architecte où tu te mets d'accord sur le texte que tu vas écrire, tu racontes vraiment une histoire, c'est toi qui tiens la plume. C'est ça qui me manque un peu en opérationnel. Tu as aussi des responsabilités rapidement. D'un côté, c'est valorisant, c'est aussi un booster dans ton travail au quotidien, de te dire que tu es responsable de quelque chose. Peut-être que tu le fais mieux. Mais nos directeurs et nos encadrants sont aussi très présents et c’est une aide précieuse.


Magistram : De quelle formation vos collègues sont-ils issus ? La différence se ressent-elle au quotidien ?


SD : On est trois anciennes étudiantes de Paris 1 ! On a surtout beaucoup d'ingénieurs. Forcément, ça se ressent parce qu'ils sont peut-être plus à l'aise sur la partie opérationnelle et financière. En revanche, en développement, nous avons une culture et des méthodes qui font que nous sommes douées pour imaginer un projet. À la fac, tu as tellement de diversité de cours qu'instinctivement, tu es curieux sur plein de sujets. On a quelques architectes aussi.



Propos recueillis par Alba Ferrat-Soares

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