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Photo du rédacteurPauline Gali

Lumière sur les visages urbains du néolibéralisme, par Gilles Pinson


Le politologue Gilles Pinson propose, dans La Ville néolibérale, une analyse aussi synthétique que nuancée, à la fois sur ce qu’est le néolibéralisme et sur ses conséquences spatiales et politiques à l’échelle des villes.


Alors que la notion de « néolibéralisme » est aujourd’hui employée avec une certaine facilité, Gilles Pinson ébauche des éléments de cadrage utiles, qui permettront à toutes celles et ceux pour qui le « néolibéralisme » est un concept familier, mais flou, de mieux saisir l’émergence de ces doctrines et leurs fondements. Il donne ainsi à comprendre l’arrière-plan idéologique et les objectifs des courants politiques qui s’emparent du gouvernement des villes et des Etats occidentaux à la faveur du « tournant néolibéral » des années 1980, et qui se sont ensuite installés un peu partout dans le monde.


Gilles Pinson consacre le deuxième temps de son livre à la dimension spatiale de la thèse de la ville néolibérale, selon une double perspective, très heuristique et fidèle aux grandes analyses du géographe critique états-unien David Harvey, en articulant néolibéralisation de l’urbanisme et urbanisation du néolibéralisme. Ce renversement dialectique offre à voir non seulement comment les politiques urbaines, dans toutes leurs composantes, se néolibéralisent, mais encore comment l’espace urbain devient, dans une perspective néolibérale, « la matière première des stratégies d’accumulation des capitalistes ». Cette analyse est essentielle pour comprendre pleinement la ville néolibérale : au-delà de la description des transformations qui affectent espaces et marchés urbains, il s’agit de rendre visibles les logiques d’acteurs et les flux financiers qui sous-tendent ces processus.


La troisième et dernière partie de l’ouvrage tisse un lien fort, et que nous avons parfois tendance à oublier, entre montée du néolibéralisme et politiques « illibérales », c’est-à-dire privant les citoyen⸳nes de démocratie et soumettant ces dernier⸳es à des logiques de contrôle de plus en plus fortes. En insistant sur l’existence de cette relation, aussi vraie à l’échelle urbaine qu’à l’échelle nationale, Gilles Pinson rappelle le rôle crucial de l’Etat dans l’extension, parfois brutale, des logiques de marché à tous les segments du champ social et urbain. L’Etat garantit en outre la mise en œuvre des orientations de la ville néolibérale par l’encadrement des conduites urbaines, souvent au prix de tactiques répressives. Le néolibéralisme n’est pas une force invisible et incontrôlée : si la rationalité néolibérale se déploie, c’est que des pouvoirs publics la soutiennent en lui offrant de nouveaux champs à investir et en mettant au service de son application les mécanismes de contrôle et de coercition dont ils disposent.


Cet ouvrage de Gilles Pinson est ainsi particulièrement bienvenu dans une période marquée en France, comme il le souligne lui-même, par des évolutions et des transformations symptomatiques d’une « offensive néolibérale » claire et de grande ampleur. Par sa grande qualité pédagogique, à travers une argumentation limpide et des exemples parlants, cette synthèse « mêlant vulgarisation et critique » se rend accessible à toutes et tous, sans pour autant déplaire à un public plus initié, qui y trouvera judicieux rappels et clarifications. La posture de Gilles Pinson est particulièrement appréciable : s’autoqualifiant de « sceptique séduit », il présente un propos tout en nuances, qui l’autorise à la fois à montrer les indéniables apports de la thèse de la ville néolibérale et à en proposer des éléments de critique pertinents et qui donnent à penser.






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